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Des lieux qui nous rassemblent

Si l’on ressent bien souvent un malaise quand il nous arrive de parcourir un centre commercial ou si l’on ne se sent pas à sa place dans un café branché, c’est que les espaces sociaux par leurs caractéristiques et leurs modalités d’occupation expriment un rapport aux choses et au monde. On nous a habitués à évoluer constamment dans des lieux configurés intégralement pour maximiser les transactions marchandes et contrôler les comportements. Mais au travers de certaines rues, dans les interstices de nos villes, nous avons découvert des personnes à la recherche de lieux. Des lieux à partir desquels ils pourraient se construire librement et collectivement, pour tenter une vie loin de l’éphémère, de la consommation et des rapports de domination. L’appropriation collective d’un espace physique est un enjeu en lui-même dans une société qui nous pousse toujours plus à agir de façon individualiste. Cette appropriation est également un moyen et une modalité employée dans la contestation de l’ordre existant. Tavernes, dortoirs d’esclaves, cercles littéraires, sociétés de secours mutuel, maisons du peuple, squats, centres sociaux… Ces lieux où peut s’épanouir une sociabilité libérée du capital et du contrôle ont toujours existé et ont, selon les époques, joué un rôle déterminant dans le développement de discours, d’actions collectives et de pratiques alternatives. Dans cette enquête, nous sommes allés à la rencontre de trois lieux portés par des jeunes des JOC. Ils nous ont raconté leur projet, les difficultés qu’ils rencontrent et leurs aspirations. Nous avons voulu aussi aller à la rencontre d’autres initiatives, comme le local autogéré du réseau Ades et la Maison des jeunes Chez Zelle qui pratique l’autogestion à Louvain-la-Neuve depuis 20 ans. Cela nous a apporté une vue plus longue avec les écueils qui vont avec. Durant ces rencontres, nous avons été surpris par la richesse des expériences menées et par les visions qui y sont déployées. Alors que le Gouvernement vient de voter une loi qui criminalise l’occupation de bâtiment vide, une chose reste certaine, nous avons besoin de lieu.


Liège < Cafétéria Collective Kali


Depuis ce mois de mars 2017, une cafétéria collective située dans le centre à Liège a ouvert à l’initiative des JOC Liège, du collectif du Vendredi soir et de l’ASBL D’une Certaine Gaieté. La cafétéria Kali se veut avant tout une expérience dans la construction d’un espace commun — un lieu qui est organisé et structuré par une activité collective. L’espace est ouvert aux groupes et aux personnes qui veulent s’impliquer dans la gestion et l’occupation de l’espace. Sur leur site internet, nous pouvons lire qu’ils portent « l’ambition d’un lieu où l’on puisse s’informer et se former au contact des autres, dans le cadre de débats et d’ateliers de réflexion, d’un lieu où l’intelligence collective s’accroît et se donne les moyens d’imaginer et de créer de nouvelles réponses aux problèmes et aux insatisfactions auxquelles nous devons faire face ». Pour comprendre ce qui se joue vraiment, nous avons rencontré Antoine, Guillaume et Quentin, trois jeunes des JOC de Liège, très impliqués dans le projet.

Qu’est-ce que vous faites dans ce lieu ?

— Antoine : Plein de choses. On assiste à des réunions de gestion du lieu, à des discussions et des rencontres. J’ai aussi programmé des événements et pris des responsabilités comme quand on a construit un meuble de rangement à plusieurs pendant l’été.

Comment êtes-vous arrivés à vous investir dans ce lieu ?

— Guillaume : On est arrivé ici grâce au permanent des Joc Liège et on a trouvé qu’ici on pouvait avoir notre place et faire des choses. Il n’y a pas que des jeunes, mais tous partagent quelque chose en commun.Ce qui est important, c’est de pouvoir se rencontrer et essayer de créer une conscience collective. C’est se demander ce qu’on va faire ici pour la mettre en place et apprendre comment fonctionnent les autres. Pour moi, ce lieu est un tremplin. 

— Antoine : Oui, c’est exactement ça que nous offre la cafèt’. Mettre en avant le potentiel présent à Liège, pouvoir faire converger les différentes formes de lutte, les partager et réfléchir à comment on peut faire des choses ensemble.

Mais Facebook ce n’est pas suffisant pour faire ça ?

— Antoine : Le contact direct, c’est important. Tout seul on ne peut rien faire, nous devons être plusieurs. Un lieu où les idées et les luttes convergent, c’est une bonne manière de rencontrer des personnes. Ce lieu est un peu ma deuxième école.

— Quentin : Pour moi, il faut prendre en considération deux choses. C’est bien beau de vouloir lutter, faire de la mobilisation et utiliser Facebook, mais on vit dans des conditions matérielles et la condition matérielle, c’est que tu dois te réunir. Si tu n’as pas un lieu qui fonctionne bien et qui est assez ouvert pour permettre à tout le monde de venir, tu ne peux pas créer de mouvement. Un lieu comme celui-ci permet à des personnes d’horizons différent de se réunir et d’ agir. L’autre point, c’est que dans les luttes, un rapport de forces se crée. Tu fais une action…super…une personne qui se balade là par hasard peut voir ton action. Son cerveau est occupé cinq minutes. Elle prend ensuite le bus pour rentrer chez elle et surfe sur Facebook. À ce moment-là, elle a déjà vu 200 publicités, puis elle regarde le JT. Dans notre action, on a utilisé que 5 minutes. Ce rapport de force dans l’occupation de l’espace mental des personnes est un moyen et une clé pour pouvoir gagner. Un lieu comme Kali permet d’utiliser son cerveau pour soi dans la rencontre avec l’autre.Un autre truc bien aussi ici, on n’est pas dans un squat et on ne va pas nous éjecter comme ça.

Qu’est-ce que concrètement ce lieu vous apporte ?

— Guillaume : Il nous apporte la capacité de se politiser sans se spécialiser comme dans une formation. On peut comprendre la complexité d’une société et la manière dont les gens entrent en relation. J’avais déjà vécu cette dimension à travers les mouvements de jeunesse. Mais pas vraiment dans un lieu permanent.

— Antoine : C’est une première expérience pour moi. Le fait d’être dans une forme plus communautaire, ça me semble une bonne base pour appréhender la manière dont on doit s’organiser. J’ai aussi assisté ici à des conférences. J’ai appris que chacun a des capacités différentes et que tout le monde est important.

Que permet un lieu comme celui-ci ?

— Guillaume : Mutualiser les idées, mais aussi les conditions matérielles. Perso, j’aimerais que ce lieu puisse aider les jeunes à accéder à d’autres moyens de vivre et de travailler que ce qui nous est proposé. Je ne veux pas vivre comme mes parents, je veux vivre autrement que dans un système hiérarchique et destructeur pour l’environnement et l’humanité. J’aimerais trouver du sens à ce que je fais. 

— Antoine : C’est un lieu de repères. Par rapport aux jeunes de ma génération que je côtoie, il y a un potentiel chez eux, mais ils ne savent pas vers où aller. Ils ne trouvent pas le temps ni les informations qui leur permettraient de trouver un sens autre que de faire de l’argent. Ici au Kali, cette circulation est rendue possible.


MONS < LOCAL AUTOGÉRÉ DU BORINAGE


Situé dans une vieille cave voûtée dans le centre de Mons, le LAB
(Local Autogéré du Borinage) a ouvert en mars 2017 à l’initiative
d’un groupe de jeunes du Borinage pour leur permettre de se
rencontrer et de s’organiser dans la lutte. Nous avons interviewé
Martin, le permanent des JOC Mons.

Peux-tu nous expliquer ce projet de lieux ?

— Martin : Tout est dans le nom : le LAB est un local autogéré dans le Borinage. L’idée c’est que nous sommes un espace de rencontre, d’organisation et de convivialité, où tout le monde vient avec ce qu’il est et ce qu’il a pour s’organiser ensemble. Nous voulons construire un lieu qui correspond à nos valeurs : un espace sans oppression, autogéré où les produits proposés sont issus du commerce équitable et de producteurs locaux. Nous voulons que nos activités soient accessibles au plus grand nombre, c’est pourquoi il n’y a jamais d’entrée payante au LAB !

Pourquoi avoir lancé une telle initiative ?

— Martin : Il y a deux constats. Le premier est lié au besoin de se réunir pour s’organiser. Avant, on faisait nos réunions dans un café où les consommations nous coûtaient cher et le profit allait au cafetier. On s’est dit pourquoi pas avoir notre propre endroit de réunion où les consommations seraient moins chères et où le profit irait directement dans notre caisse pour financer la lutte et nos activités. Faire de l’autofinancement, avoir un lieu à nous est très important. Le deuxième constat est lié au manque d’endroit culturel et associatif pour les jeunes dans le Borinage. Un lieu où les jeunes sont partie prenante du projet, où ils ne sont pas de simples consommateurs et où ce sont eux qui créent les activités.

Ces derniers mois, tous les lieux culturels alternatifs ont dû mettre la clé sous le paillasson. Mons, pourtant capitale de la culture européenne en 2015, devient un désert culturel. Il fallait agir pour proposer aux jeunes du Borinage un lieu culturel.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de la création du LAB ?

— Martin :Nous avons dès le départ bénéficié de la confiance et du soutien du MOC Hainaut-Centre à qui appartient le local et avec qui nous avons de très bonnes relations. Cela a grandement facilité nos démarches. Pratiquer l’autogestion, gérer la programmation, l’approvisionnement en consommables, la promotion des activités, la gestion financière a été un véritable apprentissage collectif pour nous. La succession des activités, entre une et deux par semaines, nous met parfois sous pression mais c’est la force du collectif de pouvoir y faire face !

Qu’est-ce qu’on organise au LAB ?

— Martin :Nous essayons de proposer un programme diversifié. Nous organisons des concerts en essayant de mêler artistes locaux et internationaux. Nous mettons également en place des tables de discussion, avec ou sans intervenants extérieurs, pour nous former sur des sujets politiques comme le féminisme, la répression policière… Nous organisons également régulièrement des projections de film qu’ils soient militants ou non, des réunions d’organisation…

Avez-vous déjà remarqué des changements depuis l’ouverture ?

— Martin :On a commencé nos activités en mars 2017. Inévitablement au début c’était un peu un entre-soi. De plus en plus, avec le temps, les gens qui participent aux activités s’intéressent à la vie du lieu. C’est vraiment un objectif important pour nous. Donc on joue sur la cohésion du groupe et l’inclusivité. Le fait d’avoir ouvert un local crée énormément d’émulation, les jeunes viennent avec leur propre projet et doivent s’accorder avec les autres pour le mettre en œuvre : c’est une dynamique très positive. Notre prochain objectif est de créer une bibliothèque dans le local.


QUARTIER BOONDAEL < IXELLES & NOUS


La crise du logement pour les populations les plus défavorisées est
un fléau à Bruxelles. Magali, la permanente des JOC Bruxelles travaille sur un projet d’habitats collectifs depuis plus d’un an avec d’autres militant·e·s. Le nom du projet s’appelle « Ixelles et nous ». Ce mois de septembre, elle·ils viennent de signer le bail avec la société de logement Binhôme. Concrètement, elle·ils ont obtenu de pouvoir vivre dans des logements sociaux qui ne sont plus aux normes du code du logement bruxellois. Ces appartements sont vides, mais habitables. Ce sont des endroits où les
gens peuvent vivre, mais pas que. Le projet comporte une part de réflexion et d’expérimentation sur comment habiter et vivre autrement ensemble, sur comment retrouver avec le voisinage des formes de solidarités qui ont tendance à disparaître dans une société centrée sur la performance individuelle.

Peux-tu nous expliquer le projet Soci@logis?

— Magali : Avec d’autres jeunes et des sans-papiers qui étaient sans logement, on a formé un groupe dans le quartier Boondael à Ixelles pour lancer un projet d’habitat collectif. On s’est constitué en ASBL, on a cherché des soutiens et écrit notre projet : des habitations solidaires basées sur un groupe qui s’entraide et qui produit des activités diverses en fonction des gens qui composent le groupe et ouvert sur le quartier. On a présenté notre projet autour de nous et on a appris que la société de logement social Binhôme était intéressée par ce genre de projet. La FEBUL (Fédération bruxelloise des Unions de Locataires), qui a dans ses compétences d’aider à la mise en place d’occupation précaire, nous a conseillé. Elle a pris les premiers contacts avec les autorités communales. On a essayé de signer un bail d’occupation au nom de l’ASBL qui s’appelle Soci@logis. Les négociations ont duré des mois. C’était difficile, ils ont demandé des garanties financières que l’ASBL n’avait pas. Notre intention était de constituer un fonds de garantie qui allait être alimenté par des dons, de l’autofinancement et une cotisation des membres chaque mois. Mais ça ne suffisait pas. Pour que le projet puisse voir le jour, la JOC nationale a signé. On est occupé à monter ce projet depuis plus d’un an. L’attente en a découragé quelques-uns et ils ont quitté le groupe de départ.

Où se trouve le projet ?

— Magali : Il est situé dans un grand parc de logement social. Ce sont des petits immeubles dans lesquels il y a des appartements. Nous avons négocié sept appartements repartis sur trois immeubles attenants. Six appartements serviront de logement et un appartement, au rez-de-chaussée, servira de lieu commun pour faire vivre le collectif, qu’ils puissent se réunir et organiser des activités.

Quels genres d’activités vous allez organiser ?

— Magali :Des réunions, de l’organisation pour récupérer de la nourriture et faire un repas à prix libre ouvert pour le quartier, des cinés-débats… On va voir aussi ce que chaque membre du groupe aimerait faire et à envie de partager dans ce lieu commun.

Est-ce que tu penses que ce parcours de combattant face à l’administration est fait pour décourager ce genre d’initiative ?

— Magali : Si tu tiens à ton projet et que tu veux le faire avancer, tu dois t’accrocher et ne pas cesser d’aller voir tes interlocuteurs, insister et être patient. Il y a beaucoup de logements sociaux vides qui ne vont pas être habités avant des années. Il faut trouver le budget, les entreprises… Il y a une demande énorme de logement. Là il y a une brèche, c’est dommage que ce soit si compliqué et si sélectif.

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