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Crise du logement ou crise de l’accès au logement ?

Le droit à un logement décent est un droit fondamental inscrit dans notre Constitution, or une majorité de la population belge n’y a toujours pas accès. Pourtant, disposer d’un domicile caractérise le socle de base pour l’octroi d’un ensemble de droits civils et sociaux.

La Belgique est confrontée à une demande grandissante de logements due à la croissance démographique et à l’urbanisation. Cette pression sur le marché immobilier entraîne inévitablement une hausse des prix, rendant encore plus difficile la recherche de logement pour de nombreuses personnes. Les programmes de logements sociaux ne sont malheureusement pas suffisants pour répondre aux besoins d’une population de plus en plus précaire. À Bruxelles, on dénombre un faible taux de logements sociaux (7%), ce qui contraint ces personnes à bas revenus de se loger sur un marché privé de plus en plus cher et risquer de tomber dans le mal-logement1.

De nombreux chiffres marquent en effet une paupérisation de plus en plus grande et rapide de la population belge que ça soit par la part de budget allouée au logement de plus en plus grande, le nombre de personnes bénéficiant d’aides sociales ou encore le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté.

On est en droit de s’inquiéter de cette paupérisation grandissante et rapide et qui touche une population de plus en plus jeune.

Sachant que légalement, un·e propriétaire peut louer son bien 8% plus cher que le loyer du dernier contrat. Le problème, on le voit, est moins la présence de logements disponibles que l’inaccessibilité grandissante pour une partie de plus en plus importante de la population. À ce jour, de nombreuses associations actives dans le droit au logement préfèrent parler de « crise de l’accès au logement » plutôt que de « crise du logement ».

La crise du logement cache donc surtout une crise sociale.

Quelques chiffres :

  • En 2022, la plus grande partie du budget des ménages était consacré au logement, soit 30,7% de leur budget total2. On estime pourtant qu’il ne faut pas dépenser plus d’1/3 de ses revenus pour son logement, or les locataires vivant avec – de 1000€/mois consacrent 54% de leurs revenus pour se loger3. Iels encourent donc un plus grand risque de mal-logement ainsi qu’une privation dans d’autres dépenses de base comme la nourriture ou la santé. 
  • En 2021 en Wallonie, 3,95% des majeur·e·s bénéficient d’aides sociales avec un taux de 8,40% pour les 18-24 ans et de 5,64% pour les 65 ans et plus4.
  • En Wallonie, 17,8% de la population a un revenu net inférieur au seuil de pauvreté. (Pourcentage de la population vivant avec un revenu inférieur à 60% du revenu médian national)5.

Comment en est-on arrivé là ?

En Belgique, le marché locatif privé est totalement libre avec peu de régularisation qui en fait un terrain propice pour la spéculation. C’est comme cela que nous arrivons à une flambée des prix de loyers et d’achats immobiliers.

On dénonce également un criant manque de logements sociaux publics qui pourraient pourtant concurrencer le marché privé. Rien qu’à Bruxelles, on estime plus de 5000 personnes sans-abris, ainsi que près de 52 000 ménages inscrits sur la liste d’attente pour un logement social6. Avec le stock actuel de logements sociaux, il faudrait plus que le double pour répondre à la demande7.

Et pourtant, le nombre de logements (basés sur le cadastre) est supérieur au nombre de ménages (basé sur le registre de la population) : 6% à Bruxelles, 15% en Flandre, et 9% en Wallonie. Ces chiffres sont toutefois à prendre avec précaution car ils ne comptabilisent pas le nombre de personnes sans-abris ni les demandeur·euse·s d’asile. On peut tout de même l’expliquer en partie par la présence de logements vides8. En effet, comme beaucoup de pays européens, la Belgique compte dans son parc immobilier de nombreux logements vides qui pourraient répondre en partie à la demande de logements si ceux-ci étaient réhabilités. Ce nombre est estimé entre 30 000 et 50 0002 en Wallonie et entre 17 000 et 26 0002 à Bruxelles. Quant aux espaces vacants, ils occuperaient 6,5 millions2.

La 20ème commune Leegbeek – St Vide, inventée par des plateformes d’occupation temporaire, est bien réelle9.

En renforçant donc l’offre des logements sociaux, ainsi qu’en réhabilitant les logements vides, l’état pourrait répondre à une certaine demande.

Ces espaces vides sont-ils la réponse pour résoudre la crise du logement ?

Concernant les logements vides, les pouvoirs publics wallons et bruxellois permettent aux communes de lutter contre l’inoccupation de ces logements via des amendes administratives. À Bruxelles, maintenir inoccupé un bâtiment destiné au logement pendant plus de 12 mois constitue une infraction administrative. Depuis le 1er septembre 2022, les gestionnaires de réseau et de distribution en Wallonie sont obligés de communiquer aux communes les données de consommation en électricité et en eau pour les logements qui utilisent 15 m3 d’eau par an ou 100 kW d’électricité par an. Une fois un logement vide repéré, une taxe communale peut être perçue auprès de son ou sa propriétaire.

Concernant les espaces vacants, Perspective.brussels a analysé la typologie des bureaux vides. Seul 1/5 du million de m2 de surfaces inutilisées est potentiellement transformables pour du logement. En effet, 1/4 de ces espaces sont situés dans des immeubles de moins de 5 ans. Une reconversion serait donc prématurée. Une moindre partie se situe soit dans des immeubles industriels soit dans des ZIU (zone d’industrie urbaine) ou ZAPT (zone d’activités portuaires et de transport). Beaucoup d’immeubles vides sont également situés dans des quartiers déjà trop denses. Ceux-ci pourraient toutefois servir pour des occupations temporaires à finalité sociale et non pour du logement, mais ne solutionneraient pas la question du manque de logements. En enlevant toutes ces catégories, la superficie totale de bureaux vides utilisables pour du logement passe à un peu moins de 200 000 m2.10

Des associations comme FéBUL ont en effet déjà réveillé plusieurs bâtiments vides pour leur redonner une vocation sociale : hébergements pour personnes sans-abris, accueils pour réfugié·e·s, lieux culturels et sociaux, … Ceci a permis à redynamiser un quartier, à créer du lien. Toutefois, des sociétés tentent de réduire les espaces vacants à un nouveau marché en leur faveur. Derrière des projets « green » ou « sociaux », ces sociétés limitent l’accessibilité des espaces à un public qui peut déjà se l’offrir. On assiste alors à une gentrification des quartiers, une exclusion des personnes marginalisées et des riverain·e·s.11 On voit également que l’état lance des appels à projets en contrat d’occupation temporaire sur ses bâtiments auprès d’investisseurs chargés de redynamiser des quartiers, bloquant de ce fait l’accès à des associations qui travaillent avec des publics précaires.

On remarque donc que l’occupation temporaire n’est qu’un outil qui peut être utilisé autant comme un moyen de transformation sociétale que comme un instrument au service de la marchandisation de la ville12.

Face à ce constat, on se demande alors quelle place reste-il aux personnes qui en ont le plus besoin (les personnes précaires, les personnes sans-abris, les demandeur·euse·s d’asile, …) si même ces espaces délaissés ne sont plus accessibles pour eux et elles ? La valeur marchande semble toujours primée sur la valeur sociale.

Dans un contexte tel que celui-ci, occuper des bâtiments vides est devenu un combat politique urgent afin de dénoncer les logiques spéculatives du marché locatif privé et l’abandon des pouvoirs publics.

Il y a une réelle responsabilité politique à prioriser les projets à vocation sociale sur les projets lucratifs et à mettre plusieurs actions en place pour freiner cette crise du logement tout en favorisant l’accès au logement à un public précarisé.

Les associations dans le droit au logement avancent plusieurs solutions telles que l’allongement de la durée des baux, prendre pour référence de loyer sur le marché privé les prix du logement social, l’augmentation des budgets publics sur l’aide aux locataires. Mais la meilleure façon de réguler un marché immobilier en difficulté reste la proposition d’un grand choix de logements publics. Ceci permet non seulement de proposer des biens à des prix abordables et décents, mais également de concurrencer le marché privé en l’obligeant à baisser ses prix. Il permet également de lutter contre les discriminations d’accès au logement, de garantir la justice sociale et de rééquilibrer l’offre au niveau de la demande. L’augmentation des logements publics peut passer par l’utilisation des terrains publics pour en construire en ne les vendant plus à des sociétés privées, par la gestion de logements vides publics et également privés via les Agences Immobilières Sociales (AIS), par l’obligation de construction de logements sociaux dans les projets immobiliers privés, par la transformation de bureaux en logements quand c’est possible13. On peut également penser à des outils fonciers collectifs avec des partenariats public-communs, revoir la notion de propriété pour les structures occupantes de biens à contrat temporaire.

Assurer aux citoyen·ne·s un endroit où vivre est l’un des rôles les plus essentiels de l’état. Il est temps que l’état prennent ses responsabilités politiques.


  1. Anne-Sophie Dupont. (2022). Analyse rbdh – La crise du logement à Bruxelles : la comprendre et en sortir ↩︎
  2. Statbel (2023, Septembre). Budget des ménages. ↩︎
  3. PRADELLA, S. & KRYVOBOKOV, M. (2020). Observatoire des loyers – Édition 2020 (enquête 2019). ↩︎
  4. Statbel (2023, Février). Risque de pauvreté ou d’exlusion sociale. ↩︎
  5. IWEPS. (2023, Décembre). Taux de risque de pauvreté. ↩︎
  6. Institut bruxellois de statistique et d’analyse (IBSA). (2022, Décembre). Panorama socio-économique 2022 : contexte économique, social et environnemental de la Région de Bruxelles-Capitale. p.52. ↩︎
  7. Anne-Sophie Dupont. (2022). Analyse rbdh – La crise du logement à Bruxelles : la comprendre et en sortir ↩︎
  8. Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale. (2022). Baromètre social 2021. Bruxelles : Commission communautaire commune ↩︎
  9. Agora. (2022, Mars). Vers la fin des bâtiments vides à Bruxelles, bientôt une réalité ? ↩︎
  10. L’Echo. (2022, Août). La conversion de bureaux ne résoudra pas seule la crise du logement à Bruxelles. ↩︎
  11. Le Soir. (2023, Avril). Carta Academica – Transformer les bâtiments vides en communs urbains ↩︎
  12. Idem ↩︎
  13. Anne-Sophie Dupont (2022). Analyse rbdh – La crise du logement à Bruxelles : la comprendre et en sortir ↩︎
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