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Lettre ouverte depuis les comités de soutien de l’USPR aux universités, associations, syndicats et partis progressistes.

Ce texte n’entend pas imposer une vision mais espère contribuer à engager une discussion avec l’ensemble des soutiens aux luttes des sans-papiers en Belgique à partir des positions actuelles en vue d’actualiser la nouvelle donne que représente les grèves de la faim en cours. Qu’il soit lu selon cette intention. 

Par Anas Amara et Martin Vander Elst

La crise sanitaire et économique en cours a largement contribué à rappeler l’extrême vulnérabilité des sans-papiers en Belgique. Leur situation concrète demeure celle de la relégation et de l’absence de droits. Or sans le travail des personnes sans-papiers, des rouages entiers de notre économie se trouveraient grippés. L’actuelle politique de non-régularisation, en les maintenant dans l’absence de protections et de possibilités de se défendre, entretient sans frein leur surexploitation économique. Travailleurs essentiels corvéables à merci et armée de réserve, ils sont pourtant les premiers à avoir réactivé l’espace démocratique suspendu à l’issue du premier confinement. Depuis plus d’une centaine de jours l’USPR occupe le Béguinage, puis l’ULB, la VUB ainsi que le « See You ».

Ces occupations politiques ont été mises en œuvre pour instaurer un rapport de force vis-à-vis du gouvernement fédéral et envers Sammy Mahdi en particulier, après plus d’une décennie d’absence de politiques de protection et d’intégration des personnes sans-papiers en Belgique. De nombreuses activités y ont eu lieu : expositions, témoignages, pétitions, marches, manifestations, rassemblements, activités artistiques, visites de parlementaires, débat parlementaires, intervention médiatique, etc. Depuis ces occupations, un large mouvement de soutiens visant à instaurer des critères clairs et permanents de régularisation ainsi qu’une commission indépendante s’est créée pour accompagner ce mouvement (syndicats, associations, universités, etc.). Aujourd’hui le débat est en cours au sein de la société civile, au sein de nos universités, dans nos syndicats, nos organisations et nos associations mais la situation matérielle des occupants n’a pas changé. C’est pourquoi depuis le 23 mai 2021, les sans-papiers des différentes occupations de l’USPR ont entamé une grève de la faim pour obtenir la régularisation de leur séjour. Il est aujourd’hui temps de pousser plus en avant les revendications des occupant.es. L’ULB a déjà proposé une prolongation des titres de séjour provisoire existants et l’obtention de titres de séjour provisoire d’un an le temps de la mise en œuvre d’une politique de régularisation claire. Cette prise de position courageuse est importante dans la mesure où elle balise une possibilité plus concrète de régularisation, tout en rappelant l’ordre politique des luttes de sans-papiers.

             Le rapport de force est bien le moteur central de la lutte. On n’a jamais vu le gouvernement décider d’une procédure de régularisation de sa propre initiative. C’est toujours l’accumulation de situations individuelles sur le temps long générant des luttes collectives pour sortir de l’arbitraire du cas par cas qui ouvre des possibilités nouvelles d’accès à la citoyenneté et à la nationalité. En réponse à cette situation, Sammy Mahdi propose comme remède l’unique source du problème : le cas par cas, en maintenant les parcours des sans-papiers dans l’arbitraire des procédures. En effet, l’actuelle situation statutaire des occupants des différentes occupation est la résultante directe du fait que l’Office des Etrangers régule le travail clandestin à travers la régularisation du séjour au cas par cas selon une politique raciste du tri, en fonction des pays de provenance et selon les besoins en mains d’œuvre. Les critères avancés par Sammy Mahdi, comme l’ouverture au marché de l’emploi aux étudiants étrangers tout en renforçant les politiques d’expulsions des travailleurs sans-papiers sont d’ailleurs marqués par le sceau du racisme d’Etat et s’appuie sur une vision purement utilitariste des malheurs du monde. Libéralisme utilitariste et racisme constitue d’ailleurs le terreau sur lequel l’extrême-droite ne cesse de prospérer depuis plusieurs décennies. On se souviendra à ce propos de Théo Francken qui n’avait accordé durant le siège d’Alep l’asile qu’aux seuls chrétiens. La dimension fondamentalement raciste des politiques de non-reconnaissance des sans-papiers n’est jamais aussi palpable que lors des campagnes de régularisation. Les critères de régularisation, qu’ils soient étendus dans le cadre d’une grande campagne de régularisation (comme en 2000 et en 2009) ou soumis à l’arbitraire de l’Office des Etrangers, n’ont jamais réellement instauré une politique d’égalité. Ils ont plutôt défini une stratification raciale de qui peut rester et travailler et qui doit être maintenu dans la clandestinité. Les collectifs de sans-papiers en lutte issu de 2009 tout autant que des collectifs comme Sans-Papiers Belgique ou aujourd’hui l’USPR peuvent témoigner de l’impact de cette biopolitique raciste sur leurs existences. Pour sortir de l’impasse actuelle, un petit recul historique s’impose. 

            En 1999, ce sont les luttes des sans-papiers pour l’égalité juridique et politique qui ont constitué la base sur laquelle des critères plus larges avec une commission indépendante ont été instaurés (1999 – 2000, arrêté royal du 5 janvier 2000). En 2009, c’est à l’issue de la régularisation des occupant.es de l’église Saint-Boniface à Ixelles, suite à une grève de la faim, qu’un large mouvement d’occupations mènera à la dernière grande campagne de régularisation. La loi UDEP qui a été à l’époque introduite au parlement mais qui n’a jamais été adoptée a été constituée sur base du dossier collectif des occupants de l’église Saint-Boniface. Aujourd’hui, c’est plusieurs centaines de sans-papiers qui sont en grève de la faim au sein de quatre occupations politiques. Cette situation est inédite. Ils incarnent des situations multiples qui sont le fruit de l’exclusion, de la précarité et du racisme d’Etat mais c’est par l’action collective qu’ils créent, depuis une condition commune, les moyens de leur lutte.

Les appels à l’instauration de critères clairs et permanents auront plus de chance d’aboutir politiquement s’ils portent sur les exigences des luttes en cours, à partir des situations concrètes des occupant.es. En effet, la clarté espérée d’un cadre légal ne peut être un argument retourné contre les occupant.es eux/elles-mêmes en les accusant de consentir à des formes de régularisation passagère soumise au pouvoir discrétionnaire du secrétaire d’Etat. Souci démocratique légitime, un tel cadre viendra alors en appui, pour soutenir leur régularisation collective et servir de base pour la suite. C’est en ce sens que peut être lue la proposition de l’ULB d’extension et de prolongation du séjour. C’est aussi ce que nous apprend l’histoire des luttes des sans-papiers en Belgique. Le prolongement du séjour des occupant.es qui conduirait à leur régularisation est dès lors l’étape nécessaire sur laquelle les attentes démocratiques de la société civile, des syndicats, des universités, du MOC Bruxelles, de Défi, du PTB, d’Ecolo, etc. pour créer ce cadre doivent aujourd’hui reposer. Et ce en se situant résolument du côté des occupant.es qui sont, avant toute chose, les victimes directes de l’arbitraire de l’Office des Étrangers et de la fermeture de toutes les voies sures et légales de migration. Etendre de telles voies de migration implique alors nécessairement la protection politique et juridique des migrant.es présent.es en Belgique.

Nous vous invitons à rejoindre le mouvement d’actions et de soutien. Rejoignez-nous le dimanche 13 juin, à partir de 10H30 place de l’Albertine, ainsi que le 20 juin, à 15H à partir du Béguinage pour une marche de soutien. Rejoignez un des trois axes de travail : juridique, médical et politique.

Nous exigeons la régularisation des occupant.es du Béguinage, de l’ULB, de la VUB et du « See You » MAINTENANT ! Ainsi que la régularisation de l’ensemble des sans-papiers présents en Belgique

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