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Rencontre avec Saida, déléguée chez H&M et Jalil permanent syndical CNE.

Saïda a travaillé pendant près de 20 ans pour la chaîne de magasins suédois H&M. Aujourd’hui, c’est en tant que militante syndicale que nous l’avons rencontrée avec son collègue Jalil pour avoir leur avis sur l’évolution des conditions de travail dans la vente au détail.

Bonjour Saïda, peux-tu nous présenter ton parcours professionnel  ?

– Saïda : J’ai commencé à travailler chez H&M en 1997. Après dix ans, j’ai été confrontée à un problème de management avec un chef. Il a arbitrairement décidé de me changer de magasin et de fonction. J’ai cherché à me défendre et à faire valoir mes droits parce que j’estimais que j’en avais. On m’a bien montré que je ne pourrai pas les faire revendiquer et j’ai décidé de ne pas me laisser faire. J’ai appelé mon syndicat et on a arrangé ça. Je me suis dès lors moi-même impliquée dans le syndicat.

Quelle est la spécificité du travail chez H&M ?

– Saïda : Le secteur du commerce n’est pas très valorisant. Souvent, les gens y arrivent un peu par défaut. Ils ne s’y investissent pas à l’avance. Et puis on s’installe pour différentes raisons, pour l’ambiance, parce qu’on se marie, etc En ce qui concerne le travail proprement dit, on doit effectuer plusieurs tâches même si notre métier de base c’est la vente directe. On se retrouve un peu à tout faire, on est aussi bien caissière qu’assortisseuse. La caractéristique principale du personnel est qu’il est très jeune. Il y a un grand turn-over. Après un temps, les employés s’en vont pour deux raisons : un salaire trop bas et la flexibilité des horaires qui varient de semaine en semaine, tant en heures qu’en jours travaillés.

Comment fait-on pour organiser sa vie privée avec une telle flexibilité ?

– Saïda : C’est très difficile. On accumule deux défauts par rapport à l’horaire : la variabilité et la flexibilité. L’horaire variable, cela veut dire qu’un jour tu te retrouves à faire une ouverture de magasin et l’autre jour une fermeture. L’horaire flexible, c’est quand sur un contrat à temps partiel de 24 heures, je peux faire zéro heure une semaine et 36 heures la semaine suivante. Il faut juste que les 24 heures par semaine soient respectées dans un trimestre. Il faut savoir aussi que chez H&M, et c’est souvent comme ça dans le commerce, tu n’es jamais engagée à temps plein, ou alors très rarement. Tu es engagé pour 24 heures/semaine. C’est ce qui fait que tu as des avenants ou des récupérations sur le trimestre.

Font-ils appel au travail étudiant ? Est-ce que leur présence est vécue comme une concurrence ?

– Saïda : Il y a des étudiants qui travaillent surtout le samedi, il y en a en moyenne deux par magasin. Ils ont des contrats de neuf heures/semaine. Ils peuvent aussi venir d’autres jours, mais c’est plus rare. Le samedi, ils sont bien acceptés parce que ça permet au personnel d’avoir plus de week-end. Mais une fois qu’on les fait travailler en semaine, là ils prennent la possibilité de faire des avenants pour le personnel qui n’a déjà qu’un contrat de 24 heures. Le personnel a un véritable désir de passer à temps plein pour améliorer ses revenus.

Cela fait 20 ans que tu es chez H&M, est-ce que tu as vu une évolution ?

– Saïda : Syndicalement, ici sur Bruxelles, on a réussi à revendiquer des droits et à établir un vrai rapport de force. On a fait des piquets devant les magasins à la rue Neuve et ça a fait bouger les choses. Le comportement des managers est différent selon que vous avez une délégation présente ou pas. Pour faire bouger les choses et pour que nos droits soient respectés chez H&M, on doit créer un rapport de force permanent : menacer de grève, d’inspections sociales… Être délégué, c’est difficile moralement et c’est un travail quotidien. Le plus important ce sont les relations que tu établis. Chaque travailleur est différent. Il faut être à l’écoute, installer une relation de confiance. Les managers d’emblée se méfient de toi. Donc là aussi il faut établir une relation de confiance tout en restant ferme sur les droits.

Comment voyez-vous l’avenir du secteur du commerce ?

– Saïda : Pour moi, le danger vient surtout de la vente en ligne. Tout le monde a un smartphone et va sur internet. À mon avis, ça va faire perdre beaucoup d’emplois. Mais il y a aussi l’automatisation qui va détruire énormément de travail. On fait encore des choses manuellement comme par exemple planifier l’horaire et le travail de la semaine. Bientôt, j’aurai un algorithme qui va le faire. Cela m’enlève du travail.
Il y a aussi sans doute l’arrivée prochaine de la puce électronique RFID. Nous, on ne l’utilise pas encore, mais elle va arriver. Grâce à ce système de traçage, on va pouvoir dire ce qu’on a dans le magasin, ce qui se vend le plus, le vêtement sera traçable de l’usine à la caisse. Cela va optimiser la gestion des stocks. Aujourd’hui, la commerciale met sur une table ce qui a marché ou pas, puis elle décide des commandes qu’elle doit effectuer. Avec la puce RFID, tu ne décides plus rien. C’est la machine qui quantifie et évalue. De plus, si je sais quantifier le nombre de marchandises, je sais aussi quantifier automatiquement le temps de travail nécessaire.
On vit une pression technologique sur notre travail. Le but de cette technologie est que l’on n’ait plus besoin de nous, pour que je n’ai plus à revendiquer. Où est mon utilité avec la machine ? C’est la relation ambiguë que nous avons avec le progrès, on l’aime bien, mais il nous rend inutiles.
On parle aussi de magasins qui seraient des guichets uniquement e-commerce. Tu rentres, tu enregistres ton code et quelqu’un t’amène l’article que tu as préalablement commandé sur internet. Il n’y a presque plus de travailleurs dans ce modèle-là. Et quand ils pourront faire prendre les colis par les robots, il n’y aura plus que les machines et le client dans le magasin.

Quel est le risque de l’extension des flexi-jobs dans votre secteur ? 

– Jalil: En premier, c’est un risque pour le personnel existant. Les flexi-jobbers coûtent moins cher aux patrons. Ils pourraient donc déjà remplacer le personnel qui fait des heures en avenant. Et ceux qui sont à temps partiel auront aussi beaucoup moins de chance à l’avenir de pouvoir avoir un temps de travail plus important. Deuxièmement, pour les étudiants leur place peut être prise par des travailleurs qui utilisent le flexi-job. Un fonctionnaire qui travaille toute la semaine pourrait prendre un flexi-job le samedi pour arrondir ses fins de mois.
Le troisième risque, extrêmement dangereux, est lié aux flexi-jobbers eux-mêmes. Pour avoir un flexi-job, il faut avoir un temps plein ou au minimum un 3/4 temps. Le flexi-jobber se repose quand s’il travaille le samedi et le dimanche ? Avec la fatigue d’une semaine de travail, le risque d’accident de travail risque d’exploser. Et puis politiquement, les flexi-jobs sont inacceptables dans cette forme-là. Ils coûtent moins cher parce que c’est du travail où on ne cotise plus pour la sécurité sociale. Avec les flexi-jobs on détruit la sécurité sociale de tous les travailleur·euse·s.

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